Comment prescrire en psychiatrie? Une question de méthode
Prescrire en psychiatrie diffère de la méthode de habituellement utilisée en médecine.
Pour prescrire un antibiotique, on choisit celui que l’on sait le plus efficace contre le germe infectant
- la posologie est fonction des caractéristiques du patient. Son poids, son âge, la prise d’autres médicaments. L’existence d’une maladie intercurrente qui modifierait l’action du médicament.
- en principe la durée du traitement est standardisée, habituellement huit jours. Puis selon l’état clinique du patient, on décide d’arrêter ou de continuer la prise du traitement. Il suffit de faire un nouvel examen de sang ou un prélèvement. Ainsi, on sait si l’infection persiste ou si le germe est encore présent.
En psychiatrie les modalités de la prescription sont bien différentes
Le choix du médicament
En pratique, le psychiatre choisira un médicament en fonction de son effet sur un ou des symptômes. Plus rarement sur son effet réputé (et souvent mentionné sur les notices) sur telle maladie psychiatrique.
Par exemple on pourra prescrire quelques gouttes d’Halopéridol (parfois même une seule goutte) pour traiter des troubles du comportement ou du caractère chez une personne âgée. Alors que ce médicament est réputé, être efficace, pour traiter le délire dans la maladie schizophrénique.
Le choix d’un antidépresseur sera souvent fonction, outre ses effets sur le trouble de l’humeur proprement dit, de ses effets sur les autres symptômes de la dépression.
Par exemple on choisira :
- la paroxétine (Deroxat®) qui sera plutôt sédative pour des patients anxieux
- la fluoxétine (Prozac®) plus stimulant pour des patients plutôt ralentis.
- en première intention un antidépresseur équivalent sur le plan de son action sur l’ensemble des symptômes : le escitalopram (Seroplex®) par exemple.
Puis en fonction de la réponse du patient on maintient la prescription, ou on change de traitement en allant vers les réputés plus puissants par exemple la clomipramine.
L’association de médicaments est fréquente
soit pour traiter différents symptômes, ce qu’un seul produit ne pourrait pas faire, soit pour potentialiser l’effet d’un médicament.
L’adjonction d’un thymorégulateur, régulateur de l’humeur (le Divalproate par exemple), est souvent associé à un antidépresseur ou à un antipsychotique.
- Le choix d’un produit va dépendre aussi de son délai et de sa durée d’action.
Certains anxiolytiques ont un délai d’action court (de l’ordre de 15 à 20 minutes), surtout si on les laisse fondre sous la langue. Mais certains ont une durée d’action brève, prescrits pour « casser » une crise d’angoisse. D’autres ont un délai d’action plus long, mais une durée d’action plus longue utilisée comme traitement de fond de l’anxiété.
- Enfin le choix d’un médicament va dépendre de ses effets secondaires et, essentiellement de la réponse du patient à tous ces paramètres.
Les effets secondaires ou indésirables des psychotropes
Ils sont très variables selon les patients.
- La prise de poids
Il est étonnant de constater que tel médicament va faire prendre du poids à tel patient et pas du tout à un autre. Parfois cette prise de poids peut-être salutaire chez un patient que sa maladie aura trop fait maigrir. Dans d’autre cas cet inconvénient rend rédhibitoire sa prescription.
Il existe quelques indicateurs pour prévoir une éventuelle prise de poids tel qu’un risque de diabète, particulièrement dans une famille de diabétiques.
- La somnolence
Elle est très fréquente en début de traitement. C’est l’une des raisons pour laquelle la posologie est toujours progressive.
Le patient doit être prévenu de cette baisse de vigilance, surtout en cas de conduite ou de travail sur machine.
L’alcool a un effet potentialisateur sur les effets de tous les psychotropes. La prise d’alcool est formellement déconseillée en début de traitement. Cependant, là aussi les réactions des patients sont très variables et singulières. Certains vont très bien supporter un verre de vin, d’autres vont s’effondrer après une gorgée. Après plusieurs semaines d’instauration du traitement, le patient pourra en faire l’expérience à faible dose, chez lui, en présence de quelqu’un pour connaître sa réaction.
La durée des traitements est souvent longue. Si le patient doit fêter quelque chose ou conduire sur une longue distance, on conseille de suspendre le traitement en fonction de la durée d’action du médicament et avec l’avis et l’accord de son psychiatre prescripteur. En effet, certains produits persistent à un taux encore efficace dans le sang pendant un certain temps après l’arrêt du traitement.
- Les nausées, les céphalées
Elles peuvent apparaître en tout début du traitement. Si cela est possible, supportable par le patient, on conseille de poursuivre le traitement car ces symptômes disparaissent le plus souvent assez rapidement.
La posologie est très variable en fonction de multiples facteurs et selon le but visé par la prescription.
Un exemple : quelques gouttes d’amitriptyline (Laroxyl®) suffiront à traiter l’anxiété et induire le sommeil. Mais 150 mg seront nécessaires pour traiter une dépression.
- selon la réponse du patient à tel ou tel moment de sa maladie.
Ainsi, quelques gouttes de cyamémazine (Tercian®) suffiront au cours du traitement de fond. Quelques gouttes supplémentaires seront nécessaires passagèrement en cas de grandes crises anxieuses intercurrentes.
Au cours de l’évolution de la maladie, il faut savoir dans certains cas diminuer les posologies surtout lorsqu’elles ont été élevées par nécessité en début de traitement.
- selon les conditions de vie du patient.
Il est presque systématiquement nécessaire de diminuer les posologies de certains médicaments (pas tous) à la sortie d’une hospitalisation. Un traitement prescrit à une posologie indispensable pendant une hospitalisation et bien supportée par le patient peut ne plus l’être lorsque le patient rentre chez lui et reprend son travail.
L’arrêt du traitement
- Il est parfois difficile car il existe avec certains produits une dépendance pharmacologique et/ou psychologique.
- La diminution doit être progressive, et c’est le patient qui va lui-même pressentir avec l’aide de son psychiatre le rythme et la progression de la diminution.
- Parfois il s’avère nécessaire de maintenir une très faible posologie pour un produit pendant une très longue période.
- Certains médicaments tel que les antipsychotiques doivent être arrêtés avec la plus grande prudence.
Conclusion
La prescription d’un traitement en psychiatrie, son suivi, son évolution, doit être une co-construction entre un patient et son psychiatre dans une confiance et un respect mutuel.
Il est inutile, voire contre productif, de prescrire un traitement à un patient qui de façon consciente et délibérée a décidé de ne pas le prendre. Ou si, poussé par des résistances inconscientes, on pressent qu’il le prendra mal, en deçà de la dose prescrite ou de façon discontinue. C’est l’art du psychiatre prescripteur d’entendre et de tenir compte de ces résistances.
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Psychiatre et psychanalyste
Ancien Directeur de l’Hôpital de Jour de la Société Parisienne d’Aide à la Santé Mentale (SPASM devenue Les Ailes Déployées)