Témoignage de Rose Marguerite, une adolescente en souffrance
Extrait du livre « Bordermoi » de Rose Marguerite, éd. Les 3 colonnes, 2023.
Depuis l’âge de 13 ans, Rose Marguerite souffre d’une maladie très douloureuse qui perturbe profondément son adolescence. Mais elle écrit… et c’est un témoignage bouleversant.
Dans cet extrait, la jeune fille décrit son séjour à l’hôpital :
« Donc, ils voulaient me contraindre à partir mais j’ai dit que je me sentais toujours très mal et que si on me forçait à rentrer chez moi, j’allais me suicider parce que je voulais vraiment mourir. Mon intention n’était pas de faire du chantage. D’ailleurs, qui supplierait qu’on le garde à l’hôpital à part quelqu’un qui va très mal? La merveilleuse chef de clinique qui a détruit ma vie, m’a dit que je mentais et que je faisais du chantage et que je serai donc punie. Mais qui fait du chantage à ce sujet ? Qui peut faire des menaces de suicide en l’air ?
« Ah la « chambre sécu »… On ne me répondait jamais. »
J’ai donc été dans ce qui s’appelle une « chambre sécu ». Ah, la « chambre sécu » : quel merveilleux concept ! Il s’agit de priver le patient de tout ce qu’il possède, tout simplement. On m’a pris toutes mes affaires, tous mes habits, mes livres etc., mais aussi ma table de nuit, mon lit, ma commode et mes draps. Je me suis retrouvée dans une chambre vide sur un matelas sans drap, avec une couverture et un oreiller sans taie. Je précise qu’on était en hiver et que le chauffage était cassé dans l’hôpital. J’avais terriblement froid. Je portais des habits d’opération en papier et seulement mes sous-vêtements, mon pull et mes chaussons en plus. Pour aller aux toilettes, je devais toquer à ma porte. On ne me répondait jamais. Une fois, je n’en pouvais plus et j’ai ouvert ma porte pour aller aux toilettes. Je me suis fait gronder, encore une fois. C’était une constante. Je n’ai jamais été vraiment rebelle mais là-bas, on aurait dit que j’étais carrément une criminelle. C’était pareil pour la douche, je devais demander, et je mangeais seule dans le couloir, avec seulement une fourchette. Parfois, je pouvais demander un de mes livres et ça m’occupait un peu mais je devais en général le rendre au bout d’une heure, j’ignore pourquoi. Je passais mon temps à me cogner la tête contre la vitre et les murs. Parfois, ils venaient me dire d’arrêter de faire du bruit. […]
Au bout de quatre jours, la chef de clinique m’a demandé si je voulais encore mourir. J’ai dit que je le voulais mais que je ne le ferai pas car je voulais plus que tout sortir de cet endroit infernal. Elle m’a à nouveau dit que je mentais et elle m’a cette fois-ci interdit de lire. Je n’avais plus rien. À la fin de la semaine, je n’en pouvais plus, j’avais trop souffert. Quand j’ai vu la psychiatre, je lui ai dit que j’allais mieux et que je n’avais plus du tout envie de mourir. Je ne sais pas si je m’en étais convaincue ou si je mentais. Toujours est-il qu’elle m’a crue et que je suis sortie le lendemain. Aussi simple que ça ! Pour sortir, j’ai eu un dernier entretien avec l’interne qui me suivait. Je devais vraiment croire que j’allais bien car je lui ai demandé : « Est-ce que je serai à nouveau dépressive dans ma vie ? » après qu’il m’ait dit que j’étais guérie. Il m’a répondu que c’était probable que ça ne m’arrive plus. Je suis donc rentrée chez moi. Trois jours plus tard, je me pendais avec ma housse de traversin alors que ma mère était au téléphone. »
Rose Marguerite est née en 1998. À l’âge de treize ans, on lui découvre une maladie auto-immune qui la plonge dans une grave dépression faisant l’objet de soins psychiatriques. Diagnostiquée borderline, cette étudiante en licence d’anglais témoigne aujourd’hui de son parcours vers la résilience.
Éd. Les 3 colonnes, 2023